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Sortir d’une crise par le haut

Persévérance. Les facteurs de crise, tels le Covid et la chute du prix du lait, peuvent aussi devenir une source d’opportunités, comme le montre l’expérience de la famille Galoche, en Saône-et-Loire.

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Installé en 2003 en Gaec avec son père, puis associé avec sa mère sur une exploitation de polyculture-élevage lait, viande, céréales, Cédric Galoche exploitait en 2016, 140 ha SAU dont 65 ha de cultures. Le troupeau montbéliard, habitué des grands concours, produisait alors 500 000 litres de lait. Après Udine, meilleure mamelle jeune en 2007 à Paris, Janita remportait un premier prix de section en 2020. En 2016, alors que le prix du lait chutait brutalement, que les chiffres de l’exploitation étaient dans le rouge, et que se profilait le départ à la retraite de la maman (elle s’occupait entre autres de la traite et des veaux), l’avenir de l’entreprise semblait bien incertain.

« À l’époque, je me demandais bien comment je pourrais sortir la tête de l’eau. Un temps, j’ai pensé m’associer à un collègue, passionné comme moi de génétique montbéliarde », se rappelle Cédric. Un tel projet exigeait de quitter l’exploitation. Un pas difficile à franchir pour l’éleveur dont la famille exploite la ferme du Grand Charreconduit depuis cent trente ans. Avec un corps de ferme situé en périurbain, une autre solution était de transformer et de vendre en direct une partie du lait en yaourts pour mieux le valoriser et améliorer la rentabilité de l’atelier lait. Mais cette perspective semblait peu réaliste à Cédric, compte tenu de la charge de travail supplémentaire. C’est sa femme, Anne-Laure, qui a débloqué la situation en décidant de s’installer sur l’exploitation. Abandonnant son poste d’employée de mairie, les avantages sociaux qui allaient avec et les collègues, elle est retournée à l’école préparer un BRPEA(1) avec une formation fromagère.

« Des pieds et des mains auprès des banques »

Le projet du couple a été malgré tout très compliqué à concrétiser, aucune des six banques sollicitées en 2017 n’étant convaincue. Le plan d’investissements présenté dans le cadre de l’installation d’Anne-Laure a dû être revu plusieurs fois à la baisse. D’un projet de laboratoire neuf, ils sont passés à un équipement d’occasion (80 000 € pour 38 m2 avec les équipements). Ce n’est qu’en août 2018 que le Crédit Agricole a enfin donné le feu vert. Les premiers yaourts ont été fabriqués le 20 décembre 2018.

Pour commencer à se constituer une clientèle, une petite vente de lait cru, d’œufs, puis de fromages blancs et de crème avait été mise en place à la ferme. Après avoir écoulé leurs produits sur le parking d’une boulangerie et sur les marchés locaux, les agriculteurs ont ouvert en mars 2019 un magasin au cœur de Châtenoy-le- Royal, une petite ville intégrée à l’agglomération de Chalon-sur-Saône (117 000 habitants). Une tante y seconde Anne-Laure à temps partiel cinq demi-journées par semaine. « Les frais du local, de la location et du personnel sont couverts par les bénéfices tirés des dépôts vente des produits d’une vingtaine de producteurs », précise la jeune femme. Le premier confinement du printemps 2020 a boosté les ventes. Celles-ci ont très vite dépassé les prévisions inscrites dans l’étude du CERFrance (25 000 litres de lait) : 40 000 litres ont ainsi été écoulés dès la première année. L’objectif pour 2021 a été fixé à 50 000 litres. Le lait transformé est valorisé à 2,23 € le litre contre 0,375 €/l pour les 510 000 l livrés à la laiterie. Un site internet a été créé, avec paiement en ligne et drive au magasin. Deux ans et demi après le lancement du nouvel atelier, le couple en tire les enseignements.

Être bien accompagné est primordial. « Émilie Golin, du CERFrance Saône-et-Loire, a cru en nous et en notre projet. Très réactive, elle a constitué un appui déterminant. Ensemble, nous avons élaboré l’étude de faisabilité, l’étude des coûts de production et la fixation des prix de vente. »

Adopter une gestion serrée est indispensable. « Au début, nous suivions les chiffres­ et les marges en permanence. Il fallait s’assurer que les quantités produites correspondaient bien aux objectifs et que les marges couvraient bien les coûts. Depuis, nous avons pris un peu de distance. Nous allons y revenir. Avec l’installation d’un robot de traite en décembre 2020 (mis en route pour faire face aux besoins de main-d’œuvre), il faut être vigilant et prouver aux banques que cet équipement nous permet de dégager de la productivité : + 3 kilos de lait par jour et par vache en moyenne avec la même ration et le même niveau de concentré. »

Se faire connaître en communiquant est essentiel. À chaque étape du développement de l’activité, les agriculteurs ont fait en sorte d’avoir un article dans la presse locale. « Les trophées de l’agriculture de Saône-et-Loire, organisés par le quotidien départemental et la chambre d’agriculture, ont eu un impact énorme, reconnaissent-ils. Nous avons remporté la première édition en 2018. La chaîne France 3 s’est déplacée à la ferme. Nous n’avons pas hésité non plus à payer quelques annonces publicitaires ici et là. »

Face aux difficultés, il ne sert à rien de se morfondre. « Mieux vaut se poser et réfléchir aux solutions possibles. Du courage, de la persévérance, et de la motivation sont nécessaires. Il ne faut rien lâcher. Nous avons fait des pieds et des mains pour que les banques nous fassent confiance. Nous nous sommes beaucoup serré les coudes. Pendant deux ans, nous avons eu la tête dans le guidon. Tous les dimanches, pour faire connaître nos produits, nous étions sur les marchés et les foires, loin de nos enfants. Aujourd’hui, nous avons récupéré une certaine qualité de vie et nos enfants nous font des réflexions positives sur notre métier. » 

Deux ans et demi après le lancement de la transformation et de la vente directe, Anne-Laure et Cédric Galoche restent en veille et s’interrogent : quel type de nouveaux systèmes pourraient-ils mettre en place ? Actuellement, la ferme vend un veau de lait tous les mois et un bovin au détail tous les deux mois. C’est une activité à développer.

Anne Brehier

(1)Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole.

© a. b. - Anne-Laure et Cédric ont vécu en deux ans un gros changement sur l’exploitation. Les comptes, qui étaient dans le rouge, sont redevenus positifs. Grâce à la transformation et à la vente directe, le jeune couple a récupéré une capacité d’investissement. En décembre dernier, un robot neuf a remplacé la salle de traite en épi 2 x 5. L’aire d’exercice des vaches a été couverte.a. b.

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